Tandis que les religions occidentales sont frappées du mal endémique de la désaffiliation de masse, les religions de l’orient semblent connaître un regain de vigueur. L’Islam en particulier se montre plus conquérante que jamais. Grâce à une démographie favorable et une confiance absolue en son destin, elle affiche même une santé insolente. L’Islam serait-elle immunisé contre les assauts de la modernité ?
L'Islam et la modernité
Lorsque Montesquieu publie ses Lettre Persannes, les deux émissaires d'Ispahan donnent de l'Orient une image empreinte d'exotisme et de sagesse devant laquelle s'écrase la bêtise des cours royales européennes. Voilà que 80 ans plus tard, Napoléon entre victorieux dans la ville du Caire, c'est la sidération dans le monde musulman. Comment la meilleure société des croyants a-t-elle pu se faire dépasser à ce point. Le séisme a provoqué des secousses durables dans tout l'Orient au point de faire défaillir 130 ans plus tard le redoutable empire Ottoman.
Il est très signifiant que le courant des frères musulmans ait été fondé précisément au Caire, au lendemain de la fin de l'empire Ottoman en 1928. La finalité déclarée était de "lutter contre l'occidentalisation" et "l'imitation aveugle du modèle européen". Cette posture a fait flores, elle irrigue aujourd'hui encore la plupart des courants musulmans contemporrains, du désert Tchadien aux banlieux de stockolm, du fin fond du pakistan aux quartiers musulmans de Montréal.
Il est d'ailleurs acquis pour la plupart des commentateur que l'Islam va devenir, d'ici 2050, la première religion au monde en dépassant de loin le nombre de chrétiens. Les faits parlent d'eux mêmes:
- L'islam est maintenant répandu sur tous les continents.
- Jamais il n'a eu autant de croyants musulmans de part le monde
- Le poid stratégique de certains pays musulmans confère à la culture musulmane un nouveau lustre.
- Jamais autant de personnes se sont rendues en pélerinage à la Mecque.
L'islam aurait donc trouvé l'antidote au désanchantement.
Les mensonges statistiques
Les statistiques sont trompeuses car, si on regarde au-delà des succès purement démographiques, on détecte des fissures béantes au coeur du bloc musulman.
- En Tunisie le taux d’irreligion est passé de 1% à 30% en l’espace de 7 ans entre 2012 et 2019
- En Iran, pays des mollahs et de la révolution Islamique, les religieux se plaignent de se faire cracher dessus dans la rue. Les femmes en Hijab se font conspuer.
- Sur internet et particulièremnet sur youtube et Tiktok, le hashtag exmuslim est un véritable phénomène.
- Aux US et UK, certains imams n’hésitent pas à parler d’une avalanche d’apostasie au sein de la jeunesse musulmane.
- La paroles des ex-musulmans se consolide et le discours qu'ils livrent se montre se plus en plus en plus incisif.
En réalité, les manifestations explosives de quelques fidèles ne sont pas le signe d’une spiritualité bien portante. Une religion saine et sûre d'elle-même, ne saurait réclamer de ses adeptes une obéissance aveugle ou en appeler à l'usage de la violence.
Aujourd’hui si l’islam arrive à "tenir ses positions" (c'est à dire à ne pas perdre trop d'adeptes) c’est sans doute
- parce qu'il condamne mort sociale ou physique tout dissident
- grâce à une forme d’inertie culturelle,
- mais aussi et surtout parce qu’il sert les interêts politiques des pouvoirs en place.
On le voit, dans les pays musulmans, si l'Islam est défendu bec et ongle, c'est surtout au nom d'identités nationales concurrentes. Il ne fait que servir les pouvoirs en place et répondre aux besoins identitaires mais il est loin de répondre aux aspirations spirituelles prodondes des peuples.
Loin de s'être adapté au monde contemporain, l’Islam a été mis au service d'une lutte identitaire anticoloniale et antioccidentale. Une telle posture a l’avantage de galvaniser les fidèles mais elle assèche le discours spirituel et asservie la religion au politique.
Plus dure sera la chute
Les sociétés modernes (individualisme, démocratie, libéralisme, scientisme) vont de pair avec le syndrome du désenchantement du monde. Selon cette théorie définie par Max Weber en 1917 et reprise par de nombreux sociologues depuis, l'avènement des lumières induit une baisse tendancielle de la croyance, une poussée significative de la sécularisation avec une forte individualisation de la spiritualité. Non seulement les populations ont globalement moins le souci du ciel mais surtout la religion cesse d’être le ciment des sociétés. A la baisse irrésistible de la pratique succède alors l'indifférence religieuse voire la remise en question de l’autorité morale des religions.
En se frottant à la culture occidentale, l’Islam subit le même sort que le christianisme en son temps. Les traditions sont remises en cause les unes après les autres, l'histoire religieuse est passée au peigne fin. Le Coran est scruté, disséqué, analysé jusqu’à la moelle. Pour affronter ce genre de méthodes hyper critiques, l'Islam semble répondre par l’ignorance (wahabisme), la foi (soufisme) ou l'engagement politique (Frères Musulmans) ou le terrorisme (Hezbollah). Pourtant, qu’il soit européen, arabe, indonésien ou africain, le musulman occidentalisé n’acceptera pas longtemps, de vivre selon des préceptes qui n'ont pas de sens pour lui. Pire même, s'il se rend compte que ses aspirations religieuses ne servent qu’à perpétuer un combat politico-culturel sans issue, il risque de s’en détacher violemment.
Les groupes intégristes qui se félicitent de leurs conquêtes et de l’emprise qu’ils génèrent ne se rendent pas compte qu’ils épuisent leurs fidèles. Ils ne font que préparer l'émergence d'une armée d’apostats qui tirera à boulets rouges sur la religion qui les a manipulé.
Le retour de manivelle va être puissant car les idoles d'hier seront rejetées par ceux là même qui les ont adorés. L'accusation de racisme, d'islamophobie, de méconnaissance de l'Islam, ne tiendra pas car ils sont tous issus de pays musulmans certains sont d'anciens frères musulmans ou des salafistes. Quelques exemple de youtubeur très actifs: Majid Oukacha (Maroc), Apostate Prophet (Turquie), Ayan Hirsi Ali (Somalie), Soleil Apostasie (Algérie), Wafa Sultana (Algérie), Armin Navab (Iran), Ahmed Harkan (Egypte)….
Pour l'homme moderne, le salut éternel est loin d'être une préoccupation mentale obsédante et les liens sociaux s’affranchissent de plus en plus du ciment religieux.
La spiritualité et les questions de sens seront toujours recherchée par les hommes de paix. Toutefois, il est à peu près certain que passé les premières déconvenues politiques, les religions millénaristes, exclusivistes, légalistes, gnostiques, ne seront pas de taille à répondre au nihilisme fondamental qui ronge l'âme humaine contemporaine.
Le christianisme qui a vécu cette evolution sur 400 ans a réussi plus ou moins à survivre. Mais l’islam qui va devoir faire sa mue en très peu de temps, aura sans doute beaucoup plus de mal à s'adapter à cette nouvelle donne.
Avec l'explosion sociale en cours dans certains pays et la puissance d'internet, l'escroquerie psycho-religieuse classique qui consiste à dire "tu iras en enfer si tu pars" ou bien "Dieu veut que tu manges avec trois doigts sinon tu n'ira pas au paradis", ne tiendra pas longtemps.
On l’a vu a maintes reprises dans l’histoire si, à court terme, l’alliance d’une religion à un combat politico-culturel peut-être un puissant facteur d'embrigadement pour une religion, cela peut aussi être un poison mortel lorsque ce combat politique n’est plus de mise.
C'est ainsi que l'Islam est en train de vivre sa transition religieuse, l'embrigadement identitaire ne résistera pas aux évolutions sociétales. Un processus irréversible de désafiliation s'enclenche. La religion qui servait de colonne vertébrale va devenir un repoussoir.
Dans les années 50, les églises du baby boom étaient remplies d'enfants tout paraissait aller au mieux. 10 ans plus tard, les beatles, le communisme, la pillule, la guerre du vietnam, la crise pétrolière, ont rendu une grande partie de la jeunesse absolument rétive à toute forme d'alégeance socile, politique ou religieuse. Les sociétés musulmanes pourraient connaître les mêmes turbulences avec un décalage de 60 ans.
Une fois vidée de sa sève spirituelle et démonétisée au niveau politique, il ne restera plus grand chose de l'Islam et les pays qui n'ont pas anticipé sur cette évolution n'auront pas beaucoup de choix entre le chaos ou la haine cf Algérie, Tunisie, Lybie, Liban, Irak, Iran….Une très mauvaise nouvelle pour les pays européens qui depuis 150 ans accueillent à bras ouvert des populations issues de ces pays qui vont être tentés par le nihilisme et le chaos.
L'avenir de l'Islam conquérant